La folle pulsion

Driweg avait passé la matinée à s'adonner à ses crises d'hystérie de plus en plus fréquentes. Elle hurlait, cassait des objets et fondait en larmes. Rien ne semblait pouvoir l'arrêter.
L'affaire s'aggrava quand on lui fit servir le repas de midi. La jeune femme envoya brusquement son assiette sur le sol en poussant un cri perçant :

_ "Aaaaaaaaah ! Qu'est-ce que c'est que toutes ces chaises vides ? Pourquoi ? Pourquoi n'y a-t-il personne ? Où sont-ils ? Noooooooon ! Je ne veux pas être toute seule !"

Sur ces paroles improbables, Driweg s'enfuit du château en courant.


Après être tombée deux ou trois fois dans les hautes herbes de la plaine, elle finit par arriver sur les rives du Combs. Arrêtant sa folle course, elle s'effondra contre le tronc d'un arbre et tenta de reprendre sa respiration.
Quand se fut fait, elle s'allongea dans l'herbe glacée par l'hiver approchant et se mit à penser tout haut :

_ "Comment peut-on en arriver à de telles extrémités ? Ce n'est pas moi... Je me fais peur... Pôvre Anton, il doit s'inquièter. Je suis affreuse."

Elle se redressa et alla s'asseoir au bordde l'eau. En se penchant, elle y découvrit son visage avec un petit sursaut de surprise. Elle ne se reconnaissait pas. Son visage de fraîche jeune femme avait les traits tirés comme le sont ceux des enfants qui sont devenus trop vite des adultes. En plus, ses beaux yeux vert d'émeraude étaient un peu cernés, marques intraitables de ces dernières nuits agitées.

La seconde qui suivait, Driweg était dans l'eau jusqu'au bassin, sans comprendre pourquoi ni comment elle y était arrivée.

Le juge avait momentanément quittés son Tribunal pour aller voir sa chère et tendre. Cela faisait si longtemps... Il voulait le faire avant d'être obligés de refaire allégence au Duc de Brocéliande, car alors il ne pourrait peut-être plus lui rendre visite.

Il n'avait plus le droit de se déplacer en cheval, se déplacer à pieds était épuisant. Et il lui fallait en plus supporter le tintement de ses clochettes, tintements incessants...

Il finit par arriver auprès des rives du Dombs. La rivière était si calme.
En l'admirant, il apercut une personne en train de se baigner. Probablement une servante de sa femme qui profitait d'un moment de calme au chateau.

Mais plus il s'approchait plus il avait l'impression de la connaître. Un moment il eu même l'audace d'admirer sa beauté.
Mais faut-il que les vers ait déjà bouffer mon cerveau pour que j'ose trouver belle quelqu'un d'autre que ma douce !

Soudain son esprit s'apaisa, c'était elle ! Toujours aussi belle, il l'aimait comme au 1er jour. Il fût tentés de la rejoindre... Mais il ne pouvait pas, sinon il risquait de la perdre pour toujours.
Il se contenta de rester là, hypnotisés. Puis il cria: Que tu es belle !

Entendant le compliment qui s'était élevé de nulle part, Driweg leva la tête. Ses grands yeux tristes se posèrent sur son époux ; alors elle sortit lentement de l'eau. Le précieux tissu mouillé de sa robe vint se coller désagréablement sur ses longues jambes blanches. Elle n'en fit pas cas et tendit une main vers la silhouette qui l'observait toujours :

_ "Viens, Ryan."

Tel une sirène sortant de l'océan, sa majestée était éclatante. L'eau ruisselait sur son corps, la robe mouillés collés à son corps laissait deviner ses formes.
Mais le lépreux ne les admira qu'un court instant, il plongeait son regard dans les yeux de sa belle. Ce qu'il y lut le destabilisa, elle avait l'air si triste ! Au départ il était partit pour ne pas lui causer du tord, puis une fosi revenus il l'avait évité pensant que l'amour de son père lui suffirait. D'évidence il s'était trompés...

Sa blanche main semblait l'attirer comme le miel attire les abeilles (oui je sais, les références a TF1 c'est minable ).
Il avancait, la cloche sonnait... il avancait sans l'entendre...C'était si bon le silence, le calme, juste elle qui l'attendait... plus qu'un mètre et le bonheur...

Ding, dong

La cloche ! je ne peux !
Il la regarda les larmes aux yeux: je ne peux plus faire un pas ma douce, je ne veux, ne peut, pas être la cause de ton malheur.

Driweg sourit tristement pendant que son mari la rejoignait. Alors que ce dernier s'arrêta à un mètre, son visage se crispa, la main toujours tendue vers lui.
Une folle pulsion. Sans pouvoir s'en empêcher, la jeune femme se mit à crier :

_ "Ne dis pas que tu voudrais être près de moi ! Ne le dis pas que tu le voudrais ! Noooon, ne le dis pas ! Je refuse de t'entendre mentir !"

Elle franchit le mètre qui les séparait et commençait à escéner de petits coups de poings dans l'épaule de Ryan :

_ "Comment oses-tu te jouer de moi ? Grand-Papi m'a définitivement quitté, Pôpa et Môman m'ont abandonné, et toi... toi qui dit vouloir être avec moi... tu en serais empêché par une maladie ? Par Aristote ! Quelle est cette ruse ? Je n'en puis plus d'être seule, Ryan ! Je n'en puis plus ! Je deviens folle, je ne me reconnais plus..."

Driweg se laissa tomber sur le sol en sanglotant.

_ "Je suis toute seule..."

Mentir ! Son coeur saignait, son corps aussi du reste, et elle l'accusait de mentir !

Et puis elle commenca à lui donner des coups sur la poitrine. Un instant il fut tentés de la prendre dans ses bras pour la consoler, après tout il était recouvert de tissus le risque était minimes sinon nul.
Il hésita... et ce fut trop tard, elle était sur le sol. Elle pleurait.

En voyant a quel point sa douce était mélancolique, des larmes coulèrent aussi sur sa joues en contournant les lésions. Mais nul ne pouvais le voir, le masque le protégeait... ou peut être le contraire.

Il s'agenouilla auprès d'elle.
Mais non ma douce tu n'es pas seule. Le roy de la prune n'est peut-être plus, marâtre a peut-être disparus mais beau pôpa est toujours là ! Il tient toujours à toi, la preuve il m'a interdit de te voir.
Et moi... mais je t'aime ! Je suis fou de toi !

Il posa ses mains gantés sur elle
Sans toi je ne serais plus, sans toi que deviendrais-je ?

Il voulu déposer un baiser mais du se contenter des lèvres du masque.
je voudrais tant pouvoir te serrer dans mes bras, pouvoir te toucher, pouvoir t'embrasser...

Driweg se blottit dans les bras du lépreux et refusa d'en bouger.

_ "Il m'a abandonné au profit de son travail. Il ne vient plus me voir et ne m'adresse mot lorsque c'est moi qui me rend jusqu'à lui... Non, je suis belle et bien seule... Mais puisque toi tu m'aimes, tu dois observer ma volonté avec plus de respect que celle de mon père : je veux que tu restes auprès de moi. Sans cela, je suis capable des plus sombres choses."

Elle poussa un petit soupir et murmura comme s'il s'agissait d'un secret :

_ "Je me fais peur. On dirait qu'il y a quelqu'un à l'intérieur de moi qui contrôle mon corps. Mes actes ne sont plus en accord avec mes pensées. Lorsque je suis désemparée, je perds toute constance -qui m'était pourtant légendaire- et casse tout ce qui me passe à portée de mains. Je dis des choses horribles que je ne crois pas avoir jamais pensé un jour. Pire que tout : j'ai d'affreuses pensées qui m'obsèdent. Qui sait ce que je venais faire au milieu de cette rivière ? Non... J'ai besoin de toi pour retrouver mon équilibre et pour vivre de nouveau."

Quand elle se blottit contre lui, sa tête lui ordonna de la repousser mais il n'arriva pas à obéir. Il la serra même dans ses bras.
Quand il l'entendit, il frémit...
Mon désir est de te rendre heureuse. Puisque tu désire que je reste à tes côtés, je le ferais.
Tu ne pouvais pas me donner d'ordres plus doux.

Puis il ajouta comme pour lui même: pardonne moi ma douce, je t'en supplis, pardonne moi le mal que je t'ai fait.

Driweg sourit tendrement à son époux et posa une main sur son masque.

_ "Je t'aime Ryan, certainement depuis que je t'ai entre-aperçu, toute petite, à l'une des réunions de mon père. Je me souviens... que j'ai toujours guêtté un regard, un sourire de ta part..."

Dans un nouveau sourire, elle ajouta :

_ "Tu es adorable, mon bel amour. Même si tu t'inquiètes un peu trop parfois. Franchement... qui aurais-je pu épouser à part toi ? Allez, viens !"

La jeune femme se releva et lui prit la main avant de le tirer en direction du château.

_ "Je veux que tu viennes voir ton fils. Tu restera à quelques enjambées si tu refuses toujours de le prendre dans tes bras mais je veux que tu viennes. Il t'appelle. Ne l'entends-tu pas ?"